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Chaud Froid
27 novembre 2007

La montagne blanche.

montagnesIl y a très très longtemps dans un pays très très lointain, vivait un vieux roi sur une montagne blanche. Son palais était orné de mille fleurs différentes qu’une armée de jardiniers était chargé de renouveler chaque jour. Ainsi vivait-on dans ce palais sur la montagne blanche dans les mille senteurs différentes qui embaumaient le château. Pour gouverner le vieux roi s’était entouré d’un gouvernement d’animaux. Ceux-ci étaient réunis une fois par mois en séance solennelle. Le vieux roi parlait alors et demandait gentiment à chacun son avis avant de décider seul comme il l’avait toujours fait. Au singe qui passait beaucoup de temps à se prélasser dans son arbre et qui recevait chaque semaine un énorme panier de fruits frais, il avait demandé de s’occuper des troupeaux qui s’étaient constitués ça et là dans la plaine pour que chacun broute à son envi sans que l’autre lui fasse ombrage. A l’âne il promettait de bientôt s’occuper des fêtes et spectacles que le vieux roi avait l’habitude d’organiser mais qu’il ne voyait jamais. Il aimait à savoir que de nombreuses fêtes étaient organisées dans son royaume mais préférait sans nul doute la tranquillité de son palais et de ses appartements dans lesquels il pouvait rêver à l’abri du regard de ses sujets. L’âne était fou de joie à l’idée de pouvoir un jour organiser enfin la grande revue des poules et des dindes à laquelle il rêvait depuis si longtemps ! A la sérieuse chouette il avait confié les livres de comptes et chaque jour cette dernière hululait en alignant des chiffres les uns derrière les autres sans commettre une seule erreur. C’était la plus sérieuse. Au facétieux merle qui venait parfois lui siffler dans les oreilles, la chouette donnait un coup d’aile qui lui remettait les idées en place. Au cochon, le roi avait confié l’organisation de la campagne et de l’agriculture. Le cochon organisait, organisait, pondait note sur note, dépensait une énergie incroyable à tracer des plans qui ne servaient jamais et surtout il était incroyablement calé sur ce qu’il aurait été opportun de faire ou de ne pas faire si on lui avait demandé son avis ! A une souris grise il avait confié l’école du château ce qu’elle faisant toujours en souriant, toujours en courant d’un endroit à l’autre pour offrir ses services à qui en avait besoin. A un vieux lion à la crinière rougeoyante il avait réservé une place à ses côtés pour contenir les ardeurs du vieux mâle qui aurait pu réveiller la forêt en rugissant de colère. Les jours s’écoulaient ainsi dans le royaume de la montagne blanche. Le singe se prélassait, l’âne croyait que ses rêves seraient réalité un jour prochain, la chouette comptait sans fin, le cochon traçait des plans sur la comète, et le vieux lion ronronnait aux côtés du vieux roi. Un beau matin, un cavalier blanc sur un cheval blanc se présenta à la porte du palais. Il demanda à voir le roi qui le reçut sans plus attendre. L’entretien dura une heure et trente-trois minutes exactement et personne ne sut rien de ce qui s’était dit entre les deux hommes. Quand la porte du cabinet particulier s’ouvrit pour laisser sortir le messager, le vieux roi était aussi blanc que le costume blanc du cavalier qui enfourcha sans attendre son cheval et disparut dans la pénombre de la forêt qui entourait la montagne blanche. Le roi s’enferma alors dans ses appartements et personne ne le vit trois jours durant. Au bout des trois jours le vieux roi sortit et réunit son gouvernement d’animaux. Il avait l’air très vieux et très fatigué . Pourtant, on sentait dans sa voix une détermination que même le vieux lion n’aurait pas cherché à contrarier. Tous étaient réunis autour de la grande table du conseil, inquiets ils attendaient que le vieil homme parle. « Je dois partir en voyage, leur dit-il, mais avant de partir je dois confier à l’un d’entre vous les clefs du palais. Lequel d’entre vous, pouvez-vous me le dire, pourra me remplacer ? » Le vieux lion cessa de ronronner et prit la parole. « Ne suis-je pas le roi des animaux ? Ma force n’est-elle pas légendaire ? Qui oserait s’opposer au lion ? Ainsi suis-je le mieux placé pour te remplacer…en attendant ton retour. » Une étrange lueur brilla au même moment dans l’œil du lion. Le singe prit à son tour la parole. « Malgré tout le respect que je dois au roi des animaux, il me semble, cher, très cher vieux roi que personne mieux que moi ne pourrait te remplacer. J’ai passé les longues années qui viennent de s’écouler à observer un haut de mon arbre. Je sais où va le monde et ce qu’il serait important de ne surtout pas bouger pour que tout continue comme il en a toujours été. » Puis ce fut la chouette. « Hou hou… ! 22 + 67 = la preuve que c’est moi. » Elle enchaîna par une série de chiffres et de formules qui démontraient de façon irréfutable qu’elle était la mieux placée. Le cochon se gratta puis après un pet et un grognement prit la parole. « J’ai tout organisé, il suffit de suivre mon plan pour comprendre, j’ai d’ailleurs commencé, grouic-grouic ! » Comme la souris ne disait rien le vieux roi se tourna vers elle et lui demanda. « Et toi ? Qui penses-tu être le mieux placé pour prendre ma place ? » La souris se frotta le museau et répondit. « Je pense avoir travaillé pour ça, mais je ferai comme tu décideras. » Le vieux roi s’enferma alors de nouveau dans ses appartements durant trois jours. A l’issue de sa retraite, il ouvrit la porte. Il avait maintenant l’air reposé et déterminé. Son bagage était prêt et il avait demandé à son cocher d’atteler son plus beau et plus confortable carrosse pour le long voyage qu’il devait entreprendre. Au moment de monter à bord il se tourna vers son gouvernement réuni au grand complet venu pour le saluer avant son départ. Chacun guettait le signe imperceptible qui ferait de lui « le » successeur. Le lion s’était fait frisé la crinière pour l’occasion, la chouette gonflait ses plumes pour paraître plus grosse, le singe se tenait debout imitant de façon grotesque et martiale la démarche du vieux roi, l’âne ne pouvait retenir un braiement qui assourdissait tout le monde, le cochon était presque propre au milieu de ses liasses de plans. Seule la souris grise ne bougeait pas et était comme à l’accoutumée. Le roi monta à bord du carrosse, ouvrit la fenêtre et dit avant que le carrosse ne s’élançât sur la route sombre de la forêt qui entourait la montagne blanche. « Ce sera la souris grise… » Un grand silence suivit le vacarme du roulement du départ du carrosse. Tous les yeux se tournèrent alors vers la souris. « J’ai un plan B » dit le cochon et il courut vers son bureau pour y établir de nouveaux plans. Le lion dit : « Je n’ai pas bien entendu, c’est moi c’est cela ? » « Pas du tout, répondit immédiatement le singe, ce roi n’est, pardon ! , n’était qu’un vieux fou qui n’avait plus toute sa raison. Je suis le successeur, ce n’est pas possible autrement. J’ai d’ailleurs la plus grande partie des gènes de mon espèce en commun avec l’homme. Vous voyez ! » Pendant qu’il tenait ce discours le lion en avait profité pour gober la chouette et toutes ses litanies de chiffres. Dans un tourbillon de papier le cochon était réapparu grognant plus fort que jamais. « J’ai un plan, j’ai un plan ! » « Ah oui ? demanda le singe, et lequel ? » « C’est moi ! » Puis il s’empressa de courir s’installer sur le trône désormais vide du vieux roi de la montagne blanche. Il se fit apporter de la confiture dont il se gava. Trois jours durant dit-on la dispute des prétendants fit rage. Le lion finit par manger le cochon et ses confitures, il fut assommé par le singe qui lui jetait des noix du haut de son arbre, seule la petite souris grise ne bougeait pas de son perchoir. Juchée sur la petite caisse rouge qui lui permettait de se mettre à la hauteur des autres pour leur parler gentiment, elle tenait les clefs sérieusement. Le lion beaucoup trop occupé à essayer de dévorer le singe qu’il avait fini par attraper en grimpant au plus haut du grand arbre qui abritait le primate prétentieux, se dit qu’il mangerait la souris le quatrième jour et deviendrait sans conteste le roi des animaux et de la montagne blanche. Au matin du quatrième jour alors que le lion dormait encore, le bruit d’un grondement parvint jusqu’au palais depuis la forêt sombre qui entourait la montagne blanche. Tous les sujets du royaume s’étaient assemblés sur le parvis du palais quand le grand carrosse du vieux roi fit son retour au royaume de la montagne blanche au sortir de la sombre forêt. Le carrosse s’immobilisa devant le château. Le vieux roi en descendit. Le merle siffleur voleta jusqu’à lui et lui sifflota quelques paroles connues d’eux seuls dans le creux de son oreille droite, la gauche étant beaucoup trop près du cœur. Le lion réveillé par le bruit rugit et chacun entendit bien dans le terrible rugissement qu’il avait décidé de manger la souris grise pour devenir enfin roi. On entendit un claquement de fouet, le bruit d’une cage qui se refermait, le vrombissement d’un camion de cirque et plus personne ne vit plus jamais le vieux lion. « Je te l’avais bien dit, dit le roi à la souris grise, et si je n’étais pas revenu le lion te dévorait ! » « Je sais, dit la souris grise, mais j’avais reçu de toi les clefs. Tu me condamnais donc si tu savais ce qu’il adviendrait ! » Le roi ne répondit pas. La souris grise lui rendit alors les clefs , tourna le dos, se rendit à son école, posa la craie sur le rebord du tableau noir après avoir écrit en belles lettres anglaises la date du jour, fit un modeste bagage et retourna au palais. Là, elle monta dans le beau carrosse, le fouet du cocher claqua et plus personne ne revit jamais la souris grise au royaume de la montagne blanche entourée par une sombre forêt. Peu après son départ, beaucoup de ceux qui furent les élèves de la souris grise à l’école du château quittèrent le royaume qui finit par se vider. Le vieux roi y vit encore seul, sans fête et il arrive parfois, les soirs de pleine lune que le fantôme d’un cochon pète en soulevant une liasse de vieux parchemin rempli de plans inutiles.
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Commentaires
P
Un salut en passant !<br /> <br /> je vais me balader dans tes pages !<br /> <br /> Pascal
Chaud Froid
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