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Chaud Froid
8 février 2008

Un tien vaut mieux...

images_1" Les riches forment une grande famille, un peu fermée certes, mais les pauvres, pour peu qu'on les y pousse, ne demanderaient pasq mieux que d'en faire partie." Pierre Desproges. Textes de scène. Tous les journaux du soir crépitaient la même nouvelle. Howard R.Cresus était mourant. Ce prodigieux industriel, homme d'affaire pour ne pas dire l'homme de toutes les affaires, avait marqué le demi-siècle qui venait de s'écouler de son génie, de sa ruse et de son impitoyable dureté dans toutes les transactions qu’il avait menées à son entier profit. Que ce soit dans l’aviation qui était sa passion, l’industrie qui était une nécessité ou la finance qui était pour lui un gigantesque monopoly, il gérait, dirigeait, absorbait, engloutissait des sociétés, avait un appétit énorme pour tout ce qui pouvait renforcer son pouvoir, sa puissance, son désir de posséder la terre entière. A mesure que son empire gonflait, lui, s’était épanoui, sa panse avait rempli ses pantalons. Elle avait même débordé jusqu’à envahir l’espace autour de lui, jusqu’à engloutir ses amis, ses collaborateurs, sa famille. Howard était un monstre d’intelligence au service d’un ego qui enflait plus vite que sa fortune. Une pieuvre, la pieuvre comme l’appelait ceux qui pouvaient l’approcher car au fur et à mesure qu’il enflait, il devenait transparent, invisible. Il se protégeait le plus possible. Il installait autour de lui de multiples barrages, créait un mythe par son mystère, devenait un demi-dieu. Il inventait une légende pour l’avenir. Aussi injuste que cela lui paraissait, il devrait pourtant mourir un jour, revanche des petits et rappel à l’ordre pour les puissants. Dupont, Dubois ou Cresus, pas de différence ! C’était insupportable. Il construisit une tour d’ivoire. Peu de gens pouvaient l’approcher. Ils devaient garder le secret absolu sur l’état, la santé physique ou mentale d’Howard . En échange, ils étaient payés comme des rois. La fidélité de ces quelques disciples était sans faille. L’homme était gardé, isolé, momifié de son vivant. Les bruits les plus fous commençaient à circuler. On disait qu’il était mort, qu’il était devenu fou, qu’il était aux mains des services secrets qui le manipulaient. On prétendit qu’une puissance étrangère le retenait prisonnier. Le pape lui-même, dut démentir le bruit selon lequel Howard était retenu prisonnier dans les caves du Vatican. L’image de cet homme qui avait été autrefois beau et sportif, disparut peu à peu de toutes les agences de presse, rachetée minutieusement par les fidèles qui construisaient l’histoire officielle sous la férule du terrible maître. La seule photo disponible le montrait à son bureau, trônant sur son empire du haut des ses quarante ans. Or, sa biographie laissait un flou artistique sur sa date de naissance qu’on situait très approximativement au 1er janvier 1900. L’homme était né avec le siècle. Il avait fait ce siècle, il était ce siècle. Et il allait mourir le 31 décembre 1999. Le siècle d’Howard R.Cresus ! Cette fin semblait arrangée mais à la façon dont les journaux s’emballaient, on pouvait penser que la nouvelle était vraie. Pourtant plus d’une fois on l’avait cru moribond. Partie d’on ne savait où, démentie par on ne savait jamais qui, la rumeur façonnait à chaque fois un peu plus le mythe. A l’instant même, on annonçait à la radio que Howard R.Cresus, avait été hospitalisé à la suite d’une attaque cardiaque et que l’hôpital personnel situé au vingt-sixième étage de la tour de 50 niveaux dans laquelle il s’était réfugié depuis plus de quarante ans, avait été mis en alerte. Les plus grands cardiologues du monde entier avaient été conviés à son chevet. Le building de dressait maintenant dans le crépuscule d’une nuit qui s’annonçait interminable. La ville entière retenait son souffle. De la tour noir dressée dans un ciel agonisant, les lumières du vingt-sixième étage s’étalaient jusque sur les curieux massés au pied du donjon mystérieux. Howard luttait contre les ténèbres. Débauche de moyens sans doute destinés à effrayer la grande faucheuse ! La télévision avait installé ses caméras au pied de la tour du grand homme et montrait une façade de verre, violemment éclairée par de puissants projecteurs. On guettait le dernier faux-pas. Les corbeaux attendaient le cortège. On salivait, on frissonnait à l’idée du prodigieux spectacle que serait son enterrement. Des journalistes faisaient des commentaires circonstanciés et très très respectueux. Beaucoup des télévisions appartenaient à Howard. Il n’était pas encore mort et l’attente était insupportable. Personne n’aperçut le petit homme gris qui se faufilait discrètement dans l’immeuble par l’entrée des service. Il tenait à la main une serviette de cuir usée. Sur ses épaules voutées, un pardessus vieillot donnait au personnage une allure quelconque et transparente. Le service de sécurité, renforcé pour l’occasion, le laissa entrer, le saluant d’un « Bonsoir Professeur » qui démontrait que l’homme avait ses entrées. Il appuya sur le bouton d’appel de l’ascenseur. Un clavier numérique clignota et le professeur tapa un code. La porte s’ouvrit. Il entra dans les lumières qui tombait du plafond de la boite de fer . Une musique acidulée l’enveloppa. La porte de referma sur le vieux professeur qui essuyait ses lunettes. Dans l’antichambre de la pièce om Howard reposait, les plus célèbres sommités du monde médical faisaient des pronostics vitaux très variables. Le professeur entra. Les voix se turent. Des paires d’yeux réprobateurs le fixèrent. Imperturbablement le vieux traversa le flot de haine. Il souriait, presque tristement. Sa main s’avança vers la poignée de la porte du malade. Howard était derrière. Howard attendait. Il avait appelé le vieil homme. Avant d’entrer le professeur se tourna vers ses ennemis. Ses yeux brillaient. Il les fixa les uns après les autres. Pas un ne put supporter très longtemps le regard perçant du petit homme grisâtre. Il ouvrit la porte. « Bonsoir Howard ». Le mystère descendit alors sur l’immeuble. La nuit se fit plus sombre encore. Un uage épais et noir enveloppa la tour qui parut plus terrible et plus menaçante que jamais. Le temps lui-même se tendit, s’épaissit, s’assombrit. Un grondement sourd rampait sous la ville. La nuit dura mille ans, dit-on. Au petit matin, la porte de l’ascenseur laissa glisser le flot de musique douce et le vieil homme. Il était plus courbé encore et une immense fatigue se lisait sur son visage. Il sortit, ou plutôt son reflet sur la porte vitrée du porche principal de l’entrée d’honneur de la grande tour du grand Howard laissa échapper la silhouette d’un homme qui avait l’âge de la nuit qu’il avait tenue dans ses mains. Des milliers de micros se tendirent. L’homme prit le temps d’essuyer ses lunettes. « Il vivra… » . Un silence comme un brouillard envahit la place. Un battement clair et régulier remplaçait maintenant le grondement menaçant de la nuit. Le jour se levait. Les ténèbres se dissipaient. L’air était redevenu transparent. Le vieil homme regarda le ciel, respira profondément et dit : « Ce sera une belle journée ». Son cartable de cuir à la main, il descendit les marches du perron principal et disparut dans la foule, un sourire presque joyeux aux lèvres. Howard vivrait grâce à lui. Le vieil homme venait de remplacer le cœur défaillant du milliardaire par la seule chose encore capable de le maintenir en vie. Un portefeuille.
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Commentaires
E
c'etait pas mal mais il a mieux
P
la légende raconte qu un viel emprunt russe oublié par mégarde lui donna un léger souffle au coeur.
Chaud Froid
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